Célie a dix ans. Elle vit avec
son père dans un modeste logis au bord de la Bièvre. Sa mère et son petit
frère, partis pour quelques jours en province, sont eux bloqués loin des murs
de la ville assiégée.
Le soir du 24 octobre, où une magnifique aurore boréale embrase le
ciel de Paris, la fillette trouve un petit chien abandonné qu’elle adopte,
contre l’avis de son père, et qu’elle prénomme Floréal.
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La rue Croulebarbe, où vit la famille de Célie. |
Mais le siège se prolonge. La
ville n’y était pas préparée. Les deux millions d’habitants souffrent du froid
terrible dès la fin de l’automne, de maladies qui déciment la population, et du
manque de nourriture.
Bientôt la viande de cheval (très
peu consommée jusqu’alors) remplace celle de bœuf et de mouton, dont les
troupeaux, partout parqués dans la ville, ont tous été mangés. Et puis, très
vite, on s’attaque aux animaux domestiques, et même aux bêtes les plus
repoussantes. Chiens, chats et rats sont vendus sur les marchés, dans les
boucheries. On en fait des pâtés, de la viande rôtie, du bouillon. Les plus
riches, dans les restaurants des beaux quartiers, goûtent à la chair des animaux exotiques
du Jardin d’Acclimatation.
Derrière la Butte-aux-Cailles,
sévit la bande à Galoche, des gamins qui s’adaptent à la situation en ces temps
de guerre et font commerce du bois, devenu rare, des effets militaires
allemands ramassés sur les champs de bataille, et des animaux qu’ils chassent
ou qu’ils volent à leurs propriétaires.
Célie a eu le malheur de croiser
leur chemin. Dès lors, c’est une lutte de chaque instant pour protéger son
petit chien de la bande de gosses résolus à lui prendre pour le vendre à la
boucherie.
Pendant ce temps, son père,
engagé dans la Garde nationale, fait les cent pas sur le chemin de ronde des
remparts ; les canons des forts de la banlieue tonnent contre les
Allemands, qui répondront bientôt en bombardant la cité ; les faubourgs
ouvriers grondent contre le gouvernement de la Défense nationale qui veut
capituler ; on évoque déjà la Commune dans les clubs politiques ;
Trochu, chef du gouvernement et des armées de Paris, donne de l’espoir aux Parisiens
en évoquant son mystérieux « plan » qui vaincra l’ennemi ; les
soldats, les gardes mobiles, les gardes nationaux meurent aux combats par
milliers, fauchés par les balles prussiennes, ou succombent au froid polaire.
Célie, en pensant à sa maman
retenue en province, regarde de sa fenêtre les ballons qui s’envolent depuis la
gare d’Orléans (actuelle gare d’Austerlitz) ou de la gare du Nord, emportant
passagers, courriers, et les pigeons qui reviendront avec des nouvelles des
régions encore libres.
Elle espère la fin de la guerre
en caressant son petit chien qui attise toutes les convoitises…