vendredi 19 septembre 2014

L'histoire


Célie a dix ans. Elle vit avec son père dans un modeste logis au bord de la Bièvre. Sa mère et son petit frère, partis pour quelques jours en province, sont eux bloqués loin des murs de la ville assiégée.
Le soir du 24 octobre, où une magnifique aurore boréale  embrase le ciel de Paris, la fillette trouve un petit chien abandonné qu’elle adopte, contre l’avis de son père, et qu’elle prénomme Floréal.
La rue Croulebarbe, où vit la famille de Célie.
Mais le siège se prolonge. La ville n’y était pas préparée. Les deux millions d’habitants souffrent du froid terrible dès la fin de l’automne, de maladies qui déciment la population, et du manque de nourriture.
Bientôt la viande de cheval (très peu consommée jusqu’alors) remplace celle de bœuf et de mouton, dont les troupeaux, partout parqués dans la ville, ont tous été mangés. Et puis, très vite, on s’attaque aux animaux domestiques, et même aux bêtes les plus repoussantes. Chiens, chats et rats sont vendus sur les marchés, dans les boucheries. On en fait des pâtés, de la viande rôtie, du bouillon. Les plus riches, dans les restaurants des beaux quartiers, goûtent à la chair des animaux exotiques du Jardin d’Acclimatation.
Derrière la Butte-aux-Cailles, sévit la bande à Galoche, des gamins qui s’adaptent à la situation en ces temps de guerre et font commerce du bois, devenu rare, des effets militaires allemands ramassés sur les champs de bataille, et des animaux qu’ils chassent ou qu’ils volent à leurs propriétaires.
Célie a eu le malheur de croiser leur chemin. Dès lors, c’est une lutte de chaque instant pour protéger son petit chien de la bande de gosses résolus à lui prendre pour le vendre à la boucherie.
Pendant ce temps, son père, engagé dans la Garde nationale, fait les cent pas sur le chemin de ronde des remparts ; les canons des forts de la banlieue tonnent contre les Allemands, qui répondront bientôt en bombardant la cité ; les faubourgs ouvriers grondent contre le gouvernement de la Défense nationale qui veut capituler ; on évoque déjà la Commune dans les clubs politiques ; Trochu, chef du gouvernement et des armées de Paris, donne de l’espoir aux Parisiens en évoquant son mystérieux « plan » qui vaincra l’ennemi ; les soldats, les gardes mobiles, les gardes nationaux meurent aux combats par milliers, fauchés par les balles prussiennes, ou succombent au froid polaire.
Célie, en pensant à sa maman retenue en province, regarde de sa fenêtre les ballons qui s’envolent depuis la gare d’Orléans (actuelle gare d’Austerlitz) ou de la gare du Nord, emportant passagers, courriers, et les pigeons qui reviendront avec des nouvelles des régions encore libres.
Elle espère la fin de la guerre en caressant son petit chien qui attise toutes les convoitises…

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